Dans la course pour la succession d’Akinwumi Adesina à la présidence de la Banque africaine de développement (BAD), la dynamique s’intensifie, et le Bénin vient de marquer un tournant diplomatique majeur en annonçant officiellement son soutien à la candidature du Mauritanien Sidi Ould Tah.
Ce soutien, exprimé à Nouakchott le 5 mai 2025 par une importante délégation béninoise dépêchée par le président Patrice Talon, s’inscrit dans une stratégie plus large de mobilisation continentale en faveur de l’ancien directeur général de la BADEA (Banque arabe pour le développement économique en Afrique).
Un appui stratégique du Bénin
Portant une lettre confidentielle de Patrice Talon à son homologue mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, les ministres d’État béninois Abdoulaye Bio Tchané et Romuald Wadagni ont été reçus au palais présidentiel de Nouakchott.
Au sortir de cette rencontre, la délégation a réaffirmé l’engagement du Bénin non seulement à soutenir la candidature de Sidi Ould Tah, mais aussi à « travailler à la mobilisation pour convaincre nos autres partenaires », traduisant un choix clair et assumé.
La présence dans la délégation de Romuald Wadagni, ministre d’État chargé de l’Économie et des Finances, donne une portée encore plus symbolique et politique à ce soutien. Considéré comme l’un des technocrates les plus brillants du continent, régulièrement cité parmi les favoris potentiels pour briguer la présidence de la BAD, Wadagni avait été pressenti pour porter la candidature béninoise.
Son renoncement, au profit de Sidi Ould Tah, constitue un signal fort : le Bénin mise sur une logique de rassemblement sous-régional et fait le pari de l’unité ouest-africaine. En se rangeant derrière le candidat mauritanien, il apporte un soutien de poids qui pourrait bien rebattre les cartes du scrutin.
Le geste de Cotonou, salué comme « une marque de confiance forte et significative » par les autorités mauritaniennes, renforce le positionnement panafricain du candidat et souligne l’intensification des alliances diplomatiques autour de cette élection cruciale pour l’avenir de la finance africaine.
LIRE AUSSI : La Banque Africaine de Développement (BAD) à la croisée des chemins : qui pour succéder à Akinwumi Adesina ?
Un candidat aux ambitions continentales
Économiste de formation, Sidi Ould Tah entend transformer la BAD en un véritable catalyseur de la souveraineté économique africaine. Sa vision repose sur quatre piliers stratégiques : la mobilisation massive de capitaux, la réforme de l’architecture financière africaine, l’activation du dividende démographique du continent, et l’investissement dans des infrastructures résilientes au changement climatique.
Ce programme s’appuie fortement sur l’innovation technologique (avec des recours ambitieux à l’intelligence artificielle, la fintech et la blockchain) et sur l’intégration du secteur informel dans les chaînes de valeur structurées. Il place également l’autonomisation des femmes au cœur des priorités, par des initiatives ciblées dans l’entrepreneuriat et l’accès au crédit.
Un jeu d’alliances en recomposition
La campagne pour la présidence de la BAD, dont l’élection se tiendra à Abidjan le 29 mai prochain, mobilise désormais cinq candidats : Sidi Ould Tah (Mauritanie), Samuel Munzele Maimbo (Zambie), Bajabulile Swazi Tshabalala (Afrique du Sud), Amadou Hott (Sénégal) et Abbas Mahamat Tolli (Tchad). Le soutien affiché du Bénin à Sidi Ould Tah pourrait faire basculer d’autres pays d’Afrique de l’Ouest ou d’Afrique centrale, dans une configuration où les votes se jouent souvent sur des équilibres géopolitiques subtils.
Avec l’appui déjà exprimé de pays comme la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Congo et plusieurs États du Maghreb, la candidature mauritanienne prend une dimension continentale. Sidi Ould Tah incarne une posture de transition : celle d’une Afrique qui cherche à rompre avec les anciens schémas d’endettement dépendant pour assumer un développement plus intégré, plus résilient et plus inclusif.
Vers une BAD du XXIe siècle ?
« La décennie à venir exige des actions audacieuses, de l’ingéniosité financière et un leadership inébranlable », insiste le candidat mauritanien. Sidi Ould Tah aspire à faire de la BAD non plus seulement une institution de financement, mais un véritable architecte de la transformation structurelle de l’Afrique. Son profil, combinant technicité, diplomatie et ancrage africain, séduit de plus en plus de capitales africaines.
Reste à savoir si cette dynamique suffira à l’emporter dans une élection où les jeux d’alliance, les équilibres régionaux et les négociations de couloir pèseront autant que les idées. Une chose est certaine : avec le soutien affirmé (et stratégique) du Bénin, la candidature de Sidi Ould Tah vient de franchir un cap décisif.
Suivez-nous sur Nasuba Infos via notre canal WhatsApp. Cliquez ici.
Views: 51