mercredi 28 mai 2025

RDC| Kabila à Goma : une déclaration de guerre à Tshisekedi ?

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Dans un revirement dramatique qui redessine les contours du paysage politique congolais, l’ancien président Joseph Kabila a fait une apparition remarquée dimanche à Goma, bastion stratégique sous contrôle des rebelles M23/AFC.

Ce retour surprise intervient à peine quelques jours après la levée de son immunité parlementaire par le Sénat congolais, ouvrant la voie à des poursuites pour trahison, crimes de guerre et participation à une insurrection armée.

La présence de Kabila dans les zones qualifiées de “libérées” par l’Alliance Révolutionnaire des Forces Congolaises (ARC/AFC) a été confirmée par les porte-paroles du mouvement rebelle, qui l’ont salué comme un “soldat du peuple” et “sénateur à vie respecté”. Cette annonce a fait l’effet d’une bombe à Kinshasa, où des voix officielles crient à la “trahison” et à une “rébellion ouverte contre la République”.

Un défi frontal au pouvoir de Tshisekedi

Depuis sa résidence sécurisée à Goma, Joseph Kabila a livré un discours virulent contre le gouvernement de Félix Tshisekedi, qu’il accuse de marginaliser l’est du pays, d’instrumentaliser la justice à des fins politiques et de mener une politique étrangère fondée sur “la plainte et la mendicité”.

“Le Congo vaut mieux que la caricature que lui donnent ses dirigeants actuels”, a-t-il déclaré, appelant à une gouvernance centrée sur le peuple, à la fin de la dictature, au retrait des troupes étrangères et à la réhabilitation de l’autorité de l’État.
Dans une sortie remarquée sur X, Kabila avait déjà planté le décor : “Comme soldat, j’ai juré de défendre mon pays jusqu’au sacrifice suprême. Je suis prêt. Je jouerai mon rôle. Jusqu’au bout”.

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Un retour qui prend les allures de rupture

Ce retour n’est pas anodin. Kabila, qui avait quitté le pays discrètement en décembre 2023 pour des études en Afrique du Sud, a suspendu son cursus en mars dernier, invoquant l’urgence de la crise nationale. Depuis l’étranger, il s’était montré de plus en plus critique à l’égard du régime Tshisekedi, appelant notamment à une nouvelle médiation régionale, à la souveraineté énergétique, et à une gestion autonome des crises sécuritaires.

Mais c’est à Goma, aux côtés de l’insurrection armée M23/AFC (qualifiée de “terroriste” par Kinshasa) que l’ex-président choisit désormais de peser politiquement. Une posture qui fait redouter une montée en puissance d’un “État parallèle” dans l’est du pays.

L’ombre de l’insurrection : complicité ou convergence ?

Si le M23 n’a pas officiellement intégré Kabila dans ses rangs, son porte-parole Lawrence Kanyuka a confirmé sa présence dans la capitale du Nord-Kivu et salué sa “venue dans les zones libérées”. Le chef politique du mouvement, Bertrand Bisimwa, a quant à lui insisté sur le droit de Kabila, “en tant que citoyen congolais et ancien chef d’État, à s’associer aux forces d’opposition”.

“Kabila est dans l’opposition, nous aussi. Nous critiquons la mauvaise gouvernance du régime en place. Cela suffit à expliquer notre convergence”, a-t-il déclaré dimanche à la presse.

Kinshasa prépare sa riposte

Face à ce défi inédit, les autorités de Kinshasa n’ont pas encore émis de communiqué officiel, mais des sources proches de la présidence évoquent une réponse “à la fois judiciaire et militaire”. Le ministre de la Justice, Constant Mutamba, a d’ores et déjà accusé Kabila d’“entraver le processus de paix” et de “saper l’autorité de l’État”.

Des mesures d’urgence, telles que le gel des avoirs de Kabila, l’émission d’un mandat d’arrêt international, ou encore une pression diplomatique régionale, sont à l’étude. Un haut responsable du gouvernement évoque même une coopération renforcée avec l’Ouganda et le Rwanda pour “neutraliser toute tentative de partition du pays”.

LIRE AUSSI : RDC : le ministre de la Justice Constant Mutamba dans la tourmente

Museveni refuse le passage, Kabila emprunte d’autres routes

Avant d’atteindre Goma, Kabila aurait tenté de passer par l’Ouganda, mais le président Yoweri Museveni lui aurait fermé la frontière, craignant une rupture dans la coopération militaire avec Kinshasa. Son fils, le général Muhoozi Kainerugaba, a déclaré sans ambages : “Je ne laisserai jamais Joseph Kabila redevenir président de la RDC”.

Privé d’accès officiel, Kabila aurait emprunté des itinéraires détournés pour rejoindre les zones rebelles, renforçant l’aura clandestine et militaire de sa démarche.

Un pari à quitte ou double

Pour les analystes, ce mouvement de Kabila pourrait être interprété comme une ultime tentative de redevenir une figure centrale de la politique congolaise, dans un pays où l’armée, les intérêts miniers et les alliances régionales dictent souvent la donne. Mais c’est aussi un pari risqué, qui pourrait se solder par une arrestation, une escalade militaire ou une marginalisation définitive.

Dans un contexte de tensions croissantes, d’échecs répétés de l’État dans l’Est, et d’interférences régionales, l’ancien président pourrait, selon certains, vouloir capitaliser sur le ressentiment populaire pour renaître politiquement. Mais à quel prix ?

“Les problèmes congolais nécessitent des solutions congolaises”, a-t-il martelé. Encore faut-il que ces solutions n’entraînent pas la République démocratique du Congo dans une guerre civile aux allures de revanche personnelle.

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