Derrière la tentative de déstabilisation qui a visé le Bénin, un fait s’impose : cet événement ne peut être lu isolément. Il s’inscrit dans une recomposition régionale profonde où l’Alliance des États du Sahel (AES) Mali, Burkina Faso et Niger cherche à desserrer l’étau de son enclavement et à peser davantage dans les équilibres ouest-africains.
Dans cette lutte stratégique, le Bénin apparaît comme une pièce centrale, à la fois verrou maritime, acteur institutionnel stable, et pivot logistique indispensable.
De la guerre numérique aux tentatives diplomatiques, des pressions narratives aux manœuvres de contournement, un constat se dessine : l’instabilité au Bénin servirait objectivement certains intérêts sahéliens.
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L’obsession stratégique de l’AES : accéder à la mer
Les États de l’AES affrontent une faiblesse structurelle :
- pas de littoral,
- des corridors vulnérables,
- une dépendance aux ports côtiers,
- et des relations dégradées avec la CEDEAO.
Depuis la rupture institutionnelle amorcée en 2020, la question du désenclavement s’est transformée en priorité stratégique absolue. Or, dans cette équation, le Bénin occupe une position unique :
- il possède l’un des ports les plus performants de la région,
- il offre l’accès le plus direct pour le Niger,
- et il constitue un passage obligé pour les flux venant du Burkina Faso.
Ce positionnement fait du Bénin un nœud vital… mais aussi un point de friction.
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Pourquoi le Bénin est perçu comme le “verrou maritime” à contourner
La rupture entre Niamey et la CEDEAO a transformé le corridor béninois en enjeu de bras de fer :
- suspension ou ralentissement du transit commercial,
- accusations politiques mutuelles,
- dénonciations de l’alignement de Cotonou sur l’ordre constitutionnel régional,
- montée d’un discours hostilisé au Bénin dans les sphères pro-AES.
Dans certaines lectures stratégiques, le Bénin est présenté comme l’obstacle qui sépare l’AES de l’Atlantique.
Dès lors, toute fragilisation politique interne du Bénin affaiblit mécaniquement ce “verrou”.
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Une guerre numérique méthodique visant à fragiliser Cotonou
Depuis plusieurs mois, les autorités béninoises font face à une offensive numérique coordonnée, largement alimentée par des réseaux pro-AES.
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a) Désinformation et faux récits en cascade
Des vagues massives de contenus diffusent :
- rumeurs sur des bases militaires imaginaires,
- fausses alertes de tensions sécuritaires,
- vidéos montées de toutes pièces,
- récits visant à délégitimer l’armée et le pouvoir béninois.
Objectif : affaiblir la confiance interne et internationale.
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b) Construction d’un discours anti-Bénin
Dans certaines communautés numériques pro-AES, le Bénin est décrit comme :
- “anti-sahélien”,
- “porte-voix de la CEDEAO”,
- “bastion contre l’émancipation sahélienne”.
Ce récit émotionnel renforce une vision antagoniste et prépare l’opinion.
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c) Préparer le terrain à toute tentative de déstabilisation
Cette guerre informationnelle vise à :
- isoler le Bénin diplomatiquement,
- affaiblir son image,
- légitimer à l’avance toute turbulence politique,
- polariser les opinions publiques sahéliennes contre lui.
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Cancan diplomatique : le Mali cherche une sortie maritime… et regarde vers le sud
La visite récente du Premier ministre malien à Conakry a illustré une certitude :
l’AES cherche désespérément un accès stable à l’océan Atlantique.
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a) Pourquoi cette urgence ?
Parce que le Mali et ses alliés :
- subissent un coût logistique explosif,
- veulent s’affranchir de Dakar et Abidjan,
- ne veulent pas dépendre uniquement du Togo,
- et cherchent une voie alternative alignée politiquement.
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b) Une coopération difficile avec la Guiné
Conakry a tendu l’oreille sans s’engager totalement.
Les obstacles sont nombreux :
- infrastructures insuffisantes,
- coûts prohibitifs,
- risque de tensions avec la CEDEAO,
- méfiance face au rôle de “porte arrière” pour les juntes.
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c) Ce semi-échec renforce l’intérêt stratégique pour… le Bénin
Plus les options maritimes se ferment,
plus le Bénin redevient incontournable dans la carte mentale de l’AES.
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Deux blocs désormais face à face en Afrique de l’Ouest
Bloc maritime : Bénin, Ghana, Côte d’Ivoire, Sénégal, Togo
- défendent la stabilité constitutionnelle,
- protègent leurs corridors commerciaux,
- redoutent une poussée sahélienne vers le Golfe de Guinée.
Bloc sahélien : Mali, Burkina Faso, Niger
- cherchent à réduire l’influence de la CEDEAO,
- s’affirment dans une logique politique autonome,
- veulent accéder à l’Atlantique, directement ou indirectement.
Dans cette configuration, toute fragilité du Bénin créerait une opportunité pour l’AES, qu’elle soit :
- politique,
- logistique,
- ou symbolique.
La bataille pour la mer éclaire les pressions sur le Bénin
La tentative de putsch, les campagnes numériques, les discours hostiles, les initiatives diplomatiques et la pression stratégique convergent vers une réalité : le Bénin n’est pas seulement un État voisin : c’est un enjeu géopolitique majeur dans la bataille pour l’accès à la mer.
Pour préserver sa stabilité et son rôle régional, le Bénin devra :
- renforcer sa cybersécurité,
- consolider ses alliances,
- protéger ses infrastructures stratégiques,
- anticiper une pression qui dépasse les frontières du Sahel
L’instabilité béninoise n’aurait rien d’un hasard : elle s’inscrit dans un affrontement régional où contrôler la mer, c’est contrôler l’avenir.
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