mercredi 30 avril 2025

Affaire Dangnivo : deux jours de procès sous haute tension

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Quinze ans après la disparition controversée de Pierre Urbain Dangnivo, ancien cadre du ministère de l’Économie et des Finances et militant de l’opposition, le procès de cette affaire emblématique a finalement débuté au Tribunal de Première Instance de Cotonou. Après deux jours d’audience, l’affaire continue de révéler des zones d’ombre et des incohérences troublantes.

Un procès attendu après des années de flou judiciaire

La disparition de Dangnivo, le 17 août 2010, a donné lieu à de nombreuses spéculations, l’opposition et les syndicats accusant le régime en place à l’époque d’être impliqué dans son élimination. Malgré la découverte d’un corps en septembre 2010 à Womey, la famille avait refusé de reconnaître officiellement les restes. Ce n’est qu’en 2018 qu’une expertise ADN a confirmé, avec un taux de 99,99 %, que le corps exhumé était bien celui de Dangnivo.

Le procès, longtemps retardé, s’est ouvert le 11 mars 2025, avec deux accusés principaux à la barre : Codjo Cossi Alofa et Donatien Amoussou, respectivement accusés d’assassinat et de complicité d’assassinat. Dès l’entame des débats, les accusés ont nié tout lien avec la victime, affirmant qu’ils avaient été contraints à des aveux sous la torture.

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Déclarations contradictoires et révélations explosives

Dès le premier jour d’audience, Alofa a surpris la cour en affirmant qu’il avait été arrêté pour un simple vol de moto et qu’on lui avait promis 25 millions de francs CFA et une libération en échange d’un faux aveu de culpabilité. Il aurait finalement reçu seulement 50 000 francs avant son évasion présumée, organisée par des agents de sécurité.

Son coaccusé, Donatien Amoussou, a quant à lui raconté une étrange mission qui lui aurait été confiée : récupérer et déposer un téléphone, qui s’est avéré être celui de Dangnivo, dans une station de radio. Il soutient avoir refusé d’accomplir cette tâche et affirme qu’un certain “Priso” l’aurait finalement fait à sa place.

L’un des moments les plus tendus du procès a eu lieu lors du témoignage de l’ancien ministre Bernard Lani Davo, qui a admis avoir reçu un appel d’un “garde présidentiel” lui demandant de remettre de l’argent à un détenu, sans chercher à en savoir davantage. Interrogé sur son manque de curiosité face à une telle demande, l’ex-ministre a simplement répondu : “Aider quelqu’un ne me coûte rien.”

Des incohérences dans l’enquête policière

Le commissaire Prince Aledji, qui avait mené l’enquête à l’époque, a été mis en difficulté par plusieurs accusés, notamment Alofa, qui l’a directement accusé de tortures et de menaces de mort en détention. Ce dernier a même déclaré que Aledji lui aurait attribué le prénom “Cossi” pour des raisons inconnues.

Enock Laourou, ancien chef des renseignements, a également été entendu. Ses réponses évasives sur la manière dont il a obtenu le numéro de téléphone d’Alofa en prison ont suscité des doutes. Quant aux circonstances de l’évasion de ce dernier, plusieurs témoignages indiquent une implication de la hiérarchie policière.

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Une autopsie qui soulève encore des interrogations

Le témoignage du médecin légiste Clément Padonou a ajouté à la confusion. L’état avancé de putréfaction du corps retrouvé à Womey rendait certaines analyses difficiles, et les blessures observées ne correspondaient pas à l’arme blanche retrouvée sur les lieux. De plus, un bocal contenant des organes humains, dont un cœur et un testicule, a été présenté comme preuve sans que leur origine ne soit formellement établie.

Le professeur Anatole Lalèye, spécialiste en génétique, a expliqué que les analyses ADN menées en 2018 ont permis d’établir une correspondance quasi certaine entre le corps exhumé et les prélèvements de membres de la famille Dangnivo. Toutefois, la partie civile a insisté sur d’éventuelles manipulations de preuves au fil des ans.

Un procès loin d’être terminé

Alors que la défense dénonce une instruction biaisée et des méthodes coercitives, le ministère public s’est dit satisfait des expertises scientifiques confirmant l’identité du corps. Cependant, les zones d’ombre persistent : les motivations réelles du crime, les responsabilités politiques et administratives, et surtout la chaîne de commandement derrière l’exécution supposée de Dangnivo.

Les débats se poursuivent ce jeudi, avec les plaidoiries attendues pour vendredi. Ce procès, au-delà de l’aspect judiciaire, demeure un révélateur des failles de l’appareil sécuritaire béninois et du poids des manipulations politiques dans les grandes affaires criminelles.

L’affaire Dangnivo connaîtra-t-elle enfin son épilogue ? La cour doit trancher entre vérités contradictoires et preuves contestées pour répondre à une question qui hante encore la mémoire collective : Qui a tué Urbain Pierre Dangnivo ?

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