vendredi 13 juin 2025

African Initiative : le nouvel outil de propagande russe en Afrique

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Depuis la disparition d’Evgueni Prigojine en août 2023, beaucoup s’interrogeaient sur le futur de la guerre informationnelle menée par la Russie en Afrique. Un rapport technique conjoint de VIGINUM, du FCDO britannique et du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) confirme que cette stratégie d’influence est non seulement intacte, mais a été réorganisée autour d’un nouvel acteur : African Initiative.

Une “agence de presse” pas si indépendante

Créée à Moscou en septembre 2023, African Initiative se présente comme une agence de presse russe aspirant à être le “pont entre la Russie et l’Afrique”. Elle diffuse des récits pro-Kremlin et anti-occidentaux dans plusieurs langues, dont le français. Toutefois, derrière son vernis journalistique se cache un dispositif de propagande bien huilé, orchestré par des individus liés aux services de renseignement russes, selon plusieurs enquêtes ouvertes.
Dirigée par Artyom Koureïev (placé sous sanctions par l’UE pour désinformation) l’agence recycle les méthodes jadis déployées par la galaxie Wagner, avec un accent particulier sur l’Afrique de l’Ouest.

Une présence physique en Afrique, notamment au Burkina Faso

Outre son activité numérique, African Initiative a implanté une structure associative au Burkina Faso, véritable laboratoire de sa stratégie d’influence. L’association russo-burkinabè organise des événements sportifs, culturels et médiatiques, et noue des partenariats avec des radios locales comme Savane FM, mais aussi avec la Maison russe de Ouagadougou.
Cette stratégie offline permet de s’ancrer dans les communautés locales et de gagner la sympathie des jeunes générations, via une diplomatie culturelle habilement instrumentalisée.

Des narratifs anti-occidentaux puissants

African Initiative capitalise sur le rejet croissant des puissances occidentales pour diffuser des récits sur le “néocolonialisme”, la “rupture civilisationnelle”, et la “renaissance africaine via Moscou”. Elle promeut des figures historiques comme Thomas Sankara et dépeint la Russie comme un partenaire libérateur.

À travers ses multiples supports (articles, vidéos, jeux vidéo, podcasts, conférences) l’agence cherche à façonner un nouvel imaginaire collectif : celui d’une Afrique décolonisée par l’Est, et non plus asservie par l’Ouest.

LIRE AUSSI : African Initiative : le cheval de Troie médiatique de la Russie en Afrique

Le volet secret : l’opération « AI-Freak »

L’une des révélations clés du rapport est l’existence d’un mode opératoire informationnel baptisé AI-Freak. Celui-ci exploite des techniques de référencement (SEO) douteuses et des contenus générés par intelligence artificielle pour amplifier la portée des récits russes. Ce dispositif, détecté par Meta et OpenAI, aurait été sous-traité à des agences de web marketing et opère dans plusieurs langues africaines.

Une stratégie bien huilée, mais un impact encore limité

Malgré cette machine de guerre informationnelle, le rapport relativise l’influence réelle d’African Initiative. Le trafic de son site reste modeste, tout comme l’audience cumulée de ses chaînes Telegram.

Cependant, son modèle bicéphale (digital à Moscou, communautaire en Afrique) s’inscrit dans une stratégie de long terme. Il bénéficie de l’appui du ministère russe des Affaires étrangères, de Rossotroudnitchestvo, du MGIMO et de la Douma d’État, qui multiplient les interactions avec les relais africains.

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