Depuis quelques mois, le Burkina Faso est devenu le terrain d’expérimentation privilégié d’une nouvelle forme d’influence russe. Sous l’apparence d’une simple association culturelle, African Initiative y développe une stratégie de diplomatie publique locale, orchestrée depuis Moscou et relayée sur le terrain par des acteurs burkinabè.
Une association au service d’une stratégie géopolitique
Le 7 novembre 2023, une association russo-burkinabè baptisée African Initiative (reprenant le même nom et le même logo que l’agence de presse basée à Moscou) a vu le jour à Ouagadougou, dans le quartier de Bonheur-ville. Derrière des objectifs déclarés de « paix et d’amitié entre les peuples », l’initiative s’inscrit dans une logique bien plus stratégique : façonner une opinion publique favorable à la Russie, notamment parmi la jeunesse.
La structure est très active sur les réseaux sociaux (Telegram, Facebook, Instagram, TikTok), et revendique des milliers d’abonnés. Son bureau exécutif, composé de Burkinabè et de Russes, joue un rôle central dans l’organisation d’événements et la diffusion de contenus pro-Kremlin.
Une offensive culturelle tous azimuts
Depuis sa création, l’association multiplie les activités à dimension patriotique ou idéologique :
Tournois de football, basketball, sambo (un art martial russe) ;
Festivals de graffitis aux couleurs russo-burkinabè ;
Projections de films de propagande, notamment Touriste, produit par la galaxie Prigojine, qui valorise l’action des instructeurs russes en Centrafrique.
Ces initiatives visent à occuper le terrain culturel et à présenter la Russie comme un partenaire alternatif crédible aux anciennes puissances coloniales.
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Des relais médiatiques locaux
L’association s’appuie également sur des partenariats avec des médias burkinabè, dont Savane FM, pour relayer ses messages. Elle bénéficie en outre du soutien logistique et symbolique de la Maison russe de Ouagadougou, un centre culturel contrôlé par l’agence Rossotroudnitchestvo, souvent soupçonnée d’activités d’influence et de renseignement.
Une mise en place facilitée par des figures controversées
Le projet burkinabè d’African Initiative doit beaucoup à Viktor Loukovenko, un blogueur russe à l’itinéraire pour le moins atypique : ancien détenu pour meurtre, reconverti en agent d’influence dans le sillage de la SMP Wagner, il a longtemps animé la branche locale du projet. Loukovenko a finalement annoncé son retrait en juillet 2024, évoquant un désaccord sur les conditions financières, mais il reste un acteur-clé de la première phase d’implantation.
Cibler les jeunes pour s’implanter durablement
Le pari de Moscou à travers African Initiative est clair : s’ancrer dans les communautés locales en misant sur les jeunes générations, au moyen d’une offre culturelle séduisante, valorisante, mais profondément orientée. L’approche offline complète ainsi la guerre de l’information menée en ligne, selon une stratégie d’influence hybride, souple et résiliente
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