Arrêté le 17 janvier dernier à Douala par la police camerounaise alors qu’il s’apprêtait à embarquer pour Paris, Armel Ningatouloum Sayo, chef de la Coalition militaire pour le Salut du Peuple et le Redressement (CMSPR), a été extradé à Bangui le lundi 6 mai. Visé par un mandat d’arrêt international, son transfert a fait l’objet de longues négociations entre les autorités camerounaises et centrafricaines.
Selon des sources sécuritaires, c’est à bord d’un appareil opéré par des mercenaires du groupe Wagner, alliés du pouvoir centrafricain, que l’ancien chef rebelle a été acheminé vers la capitale. À son arrivée, il a été conduit à la Direction générale de la police pour audition, avant d’être transféré à la prison de haute sécurité du Camp de Roux, située dans l’enceinte de la caserne de la Garde présidentielle.
Ancien chef d’un mouvement armé, Armel Sayo avait brièvement troqué les armes contre la politique, en intégrant le gouvernement de transition en 2015 comme ministre de la Jeunesse et des Sports. Mais en 2024, il a repris les armes contre le régime de Faustin-Archange Touadéra. Il est désormais poursuivi pour « tentative de coup d’État » et « atteinte à la sûreté de l’État », des charges passibles de la réclusion à perpétuité.
Une extradition sous conditions ?
L’opinion centrafricaine s’interroge : quelles garanties le Cameroun a-t-il obtenues de la part de Bangui avant d’accepter cette extradition ? La question renvoie à des précédents douloureux. En 2009, l’ancien ministre devenu rebelle Charles Massi avait été arrêté au Tchad puis remis à la Centrafrique. Sa famille affirme qu’il a été torturé à mort au centre de détention de Bossembélé. Les autorités n’ont jamais confirmé officiellement sa mort, entretenant un climat de suspicion.
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Autre précédent : François Bozizé lui-même, ancien chef rebelle exilé au Bénin après l’échec de son coup d’État en 1982, avait été remis à Bangui. Il avait alors bénéficié d’un procès équitable avant d’être libéré. Aujourd’hui réfugié en Guinée-Bissau, il est à nouveau sous le coup d’un mandat d’arrêt, mais les autorités bissau-guinéennes refusent, jusqu’à présent, de procéder à son extradition.
Justice sélective ?
L’arrestation d’Armel Sayo soulève une autre question : celle de la sélectivité dans l’application de la justice. De nombreux Centrafricains dénoncent une politique du “deux poids, deux mesures”. Alors que certains chefs de guerre sont pourchassés, d’autres continuent d’évoluer librement dans la capitale ou même au sein du gouvernement.
C’est le cas d’Hassan Bouba, visé par la Cour pénale spéciale pour des crimes de guerre. Bien qu’incarcéré un temps au Camp de Roux, il avait été libéré par des éléments russes et siège toujours au gouvernement. La semaine dernière encore, deux anciens chefs rebelles reconnus coupables de graves violations des droits humains ont signé un nouvel accord de paix avec les autorités.
Vers une justice équitable ou instrumentalisée ?
L’extradition d’Armel Sayo pourrait-elle inaugurer une nouvelle ère de reddition de comptes en Centrafrique, ou s’agit-il d’un nouvel épisode d’une justice à géométrie variable, utilisée comme levier politique ? La réponse dépendra, en grande partie, de la transparence du futur procès et du traitement réservé à d’autres figures de l’instabilité chronique du pays.
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