jeudi 12 juin 2025

Désinformation ciblée : comment le Bénin est devenu la cible préférée des propagandistes de l’AES

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Une nouvelle ligne rouge a été franchie. Du 4 au 6 juin 2025, une opération massive de désinformation numérique a été lancée contre le Bénin sur les réseaux sociaux, en particulier Facebook et X (ex-Twitter). Cette fois-ci, le prétexte : une rumeur selon laquelle le Niger aurait intercepté un « ravitaillement destiné aux groupes terroristes » en provenance du territoire béninois. Un récit sans fondement, mais qui a circulé à grande vitesse dans les sphères numériques proches des régimes de transition de l’Alliance des États du Sahel (AES).

Une rumeur coordonnée, amplifiée et toxique

Dès le lendemain d’un entretien télévisé du général Abdourahamane Tiani, président de la transition nigérienne, accusant à demi-mot le Bénin d’abriter des troupes françaises hostiles au Niger, des centaines de comptes se sont activés en ligne. En l’espace de 48 heures, une fausse information s’est répandue : le Niger aurait intercepté des camions contenant armes et équipements, supposément en route depuis le Bénin à destination de groupes djihadistes.

Des visuels flous, des vidéos hors contexte, et des cartes de localisation bricolées ont été utilisés pour habiller ce mensonge, dans un scénario de désinformation rodé : émotion, confusion, accusation.

L’ombre de réseaux structurés

Derrière cette diffusion virale se cache une machinerie bien huilée : profils récemment créés, pages de « médias citoyens » pro-AES, influenceurs cyberpanafricanistes aux abonnés artificiels, et des relais francophones pro-russes identifiés pour leur participation à d’autres campagnes en Afrique de l’Ouest. Certains comptes liés à cette opération avaient déjà été repérés dans la fabrication de narratifs hostiles au Niger démocratique avant le putsch de 2023, puis à la CEDEAO et à la France.

Les analystes en sécurité numérique y voient les traces d’un écosystème de propagande hybride, mêlant cyber-activisme, influence géopolitique et manipulation émotionnelle.

LIRE AUSSI : Manipulation 2.0 : Quand le Bénin devient la cible des réseaux de désinformation

Pourquoi le Bénin ?

Le Bénin paie le prix de sa ligne souverainiste équilibrée. Non aligné sur l’AES, partenaire de la France, mais aussi des États-Unis, de la Chine et d’autres puissances, Cotonou est perçu par Niamey, Ouagadougou et Bamako comme un verrou à leur stratégie régionale de repli idéologique. À défaut de pouvoir l’isoler diplomatiquement, certains préfèrent le fragiliser dans l’opinion publique ouest-africaine.

Cette posture est aussi une diversion. Alors que les pertes militaires s’alourdissent au Niger (plus de 130 soldats tués en un mois), que les groupes terroristes gagnent du terrain, et que les populations frontalières sont étouffées par les fermetures prolongées, l’ennemi extérieur devient un prétexte utile pour détourner les regards.

Cotonou entre vigilance et retenue

Le gouvernement béninois a opposé un démenti ferme à ces allégations, rappelant qu’aucune preuve n’a été produite, et réitérant son engagement contre le terrorisme sur son propre sol. Des sources sécuritaires confirment qu’aucune opération transfrontalière suspecte n’a été enregistrée ces derniers jours. Le Bénin continue de privilégier la transparence et le dialogue régional, malgré l’agressivité numérique de certains acteurs.

Toutefois, à Cotonou comme à Parakou, l’inquiétude monte : jusqu’où iront ces campagnes ? Faut-il y répondre frontalement ? Les attaques numériques, même sans preuves, finissent par créer un climat de méfiance nuisible à l’intégration régionale.

Ce que cela dit de l’avenir régional

L’affaire illustre un basculement : dans l’espace CEDEAO-AES, la lutte pour l’influence passe désormais aussi par la désinformation ciblée. Les accusations contre le Bénin ne reposent sur aucun fait, mais elles trouvent un écho dans une partie de l’opinion ouest-africaine, saturée de discours de rejet de la France, du multilatéralisme et des institutions classiques.

Dans cette bataille narrative, le Bénin devra sans doute renforcer ses capacités de riposte stratégique, d’alerte précoce et de diplomatie numérique. Car les prochaines campagnes sont déjà en préparation. Et elles viseront, encore une fois, ceux qui refusent l’uniformité géopolitique imposée par la peur.

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