mardi 16 décembre 2025

Enquête : Ibrahima Maiga, Nouvelles Afrique et la désinformation en Afrique de l’Ouest

I. Portrait d’un influenceur controversé

Ibrahima Maiga est un activiste burkinabè et figure des réseaux sociaux francophones, très présent sur Facebook, X (ex-Twitter) et d’autres plateformes. Il s’est fait connaître par ses prises de position sur la politique sahélienne et ouest-africaine, plus particulièrement par des messages exprimant une rhétorique souverainiste et anti-impérialiste. Il est identifié un communiquant du régime burkinabé et Pro AES.

Un certain nombre de comptes et pages qui lui sont liés comptent des centaines de milliers d’abonnés, ce qui lui confère une portée potentiellement large dans l’espace francophone d’Afrique de l’Ouest et de la diaspora.

Selon plusieurs médias et observatoires, ces plateformes sont parfois impliquées dans des campagnes de narration polarisante, voire de diffusion de contenus manipulés qui se propagent rapidement sur les réseaux sociaux.

II. Du cyber-activisme à la désinformation structurée

1. Lancement de Nouvelles Afrique

En Septembre 2025, Ibrahim Maiga a annoncé le lancement d’un nouveau média en ligne baptisé Nouvelles Afrique, qu’il présente comme une plateforme “100 % africaine” destinée à redonner “toute la légitimité à l’information africaine”. Selon la présentation officielle, le média vise à fournir une couverture équilibrée et continentale, notamment en français, anglais, arabe et d’autres langues, et à lutter contre ce que ses responsables perçoivent comme une domination des récits médiatiques par des acteurs étrangers.

Cette initiative, qui se veut un contrepoids aux grandes agences internationales ou aux médias jugés “non-africains”, s’est rapidement imposée sur les réseaux sociaux comme un relais d’actualité politique, économique et stratégique concernant l’Afrique.

2. Accusations de désinformation autour du Bénin (7 décembre 2025)

Le dimanche 7 décembre 2025, une tentative de coup d’État a eu lieu au Bénin : un groupe de militaires s’est brièvement emparé de la télévision publique à Cotonou et a déclaré le renversement du président Patrice Talon, avant d’être repoussé par les forces loyales et que l’ordre soit rétabli. L’événement a fait l’objet d’une couverture internationale et d’une grande attention médiatique.

Cependant, dans les heures qui ont suivi, des messages circulant sur les réseaux sociaux dont certains attribués à Nouvelles Afrique ont contribué à amplifier des récits confus ou erronés sur ce qui se passait réellement, selon des observateurs et des vérificateurs de faits. Ces messages figuraient notamment :

• des publications présentant la prise de pouvoir comme achevée alors qu’elle n’était pas confirmée ;
• des conjectures sur des soutiens extérieurs à la mutinerie sans preuves vérifiables ;
• des interprétations biaisées des motivations des mutins, parfois en injonction à un public ouest-africain plus large.

Bien que les messages aient été partagés massivement, des examens ultérieurs ont montré que des images plus anciennes ou hors contexte ont été reprises, et que l’argumentaire de certains posts était plus narratif que factuel ce qui s’apparente à de la désinformation.

Plusieurs comptes et canaux associés à Nouvelles Afrique ont ainsi relayé des versions des faits qui ont largement divergé de la chronologie vérifiée des événements telle qu’établie par des sources internationales (comme l’armée béninoise, des médias reconnus ou des organisations de fact-checking). Les autorités béninoises, intercations officielles et médias internationaux ont confirmé que la tentative de coup a été repoussée et que le gouvernement avait repris le contrôle de la situation.

III. Méthodes d’amplification numérique observées

1. Narration émotionnelle

Les messages analysés par des spécialistes du numérique utilisent souvent une rhétorique polarisante ou anxiogène, qui cherche à exploiter les émotions plus que les faits précis. Cela inclut des formulations dramatiques sur l’avenir politique de pays ou des hypothèses spéculatives sur les acteurs internationaux impliqués.

2. Diffusion coordonnée

Des publications sont très rapidement relayées à travers des pages satellites, des groupes WhatsApp et des comptes affiliés, créant une illusion de consensus ou de large soutien populaire à certaines versions des événements.

3. Manipulation d’images ou de contenus

Dans certains cas, des images ou vidéos sont reprises hors de leur contexte d’origine ou associées à des descriptions inexactes une pratique courante dans la désinformation en ligne.

IV. Un phénomène plus large en Afrique de l’Ouest

L’usage d’outils numériques pour amplifier des récits biaisés ou faux ne se limite pas à Nouvelles Afrique ou à Ibrahima Maiga. La désinformation est devenue une préoccupation majeure à l’échelle du continent, avec des initiatives locales et internationales qui soulignent la nécessité de renforcer les pratiques de fact-checking et d’éducation aux médias pour éviter les conséquences potentiellement déstabilisatrices.

Après les événements du 7 décembre, plusieurs plateformes de vérification en ligne ont justement documenté la circulation de publications trompeuses ou contradictoires sur le déroulement des faits, attestant qu’une grande partie de la confusion provenait de contenus diffusés avant même que les sources officielles ne puissent apporter des confirmations claires.

V. Limites de l’enquête et responsabilités

Il existe une différence importante entre diffusion involontaire d’erreurs et campagnes coordonnées de désinformation :

• La première peut résulter d’une réaction hâtive à des informations incertaines ;
• la seconde suppose une intention structurée de manipuler l’opinion.

À ce jour, les éléments publics disponibles indiquent que Nouvelles Afrique a diffusé des contenus manifestement inexacts ou trompeurs autour des événements béninois ce qui s’inscrit dans des schémas observés ailleurs mais aucune enquête judiciaire indépendante n’a établi une orchestration centralisée ou une intention criminelle avérée de la part de Maiga ou de ses équipes.

L’enquête montre qu’Ibrahima Maiga, via des plateformes qui lui sont associées comme Nouvelles Afrique, figure parmi les acteurs dont les messages contribuent à amplifier des narratifs d’information souvent erronés ou biaisés sur des événements sensibles en Afrique de l’Ouest, comme la crise du 7 décembre 2025 au Bénin.

Cet exemple illustre les défis contemporains de l’information dans un contexte politique déjà tendu : la rapidité de propagation des contenus sur les réseaux sociaux peut dépasser la capacité des sources officielles à confirmer ou infirmer les faits, créant des opportunités pour la propagation de récits non vérifiés.

Des initiatives de vérification des faits, une meilleure transparence des plateformes et une responsabilité accrue des producteurs de contenu sont essentielles pour réduire l’impact de la désinformation, protéger la cohésion sociale et préserver la qualité du débat public sur le continent.

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