Par un communiqué larmoyant et presque indécent de récupération, Ganiou Soglo s’est autoproclamé protecteur de son père, Nicéphore Dieudonné Soglo, ancien président de la République du Bénin. Il y dénonce, avec une indignation aussi sélective que tardive, les récentes apparitions publiques de son géniteur, saluant les réalisations du gouvernement Talon. Mais derrière les grands mots (“instrumentalisation”, “abus de faiblesse”, “exploitation indigne”), se cache mal l’agacement d’un homme qui perd un levier politique précieux.
Le masque de la vertu
Ganiou Soglo tente ici de faire croire à une soudaine crise morale, à un sursaut éthique. Or, tous ceux qui ont suivi de près la vie publique et privée de la famille Soglo savent que ce “chevalier blanc” de la dignité filiale a longtemps vécu à l’ombre de son père et de ses ressources. Les années passant, Nicéphore Soglo, affaibli par l’âge, n’a cessé de soutenir, bon gré mal gré, les projets politiques de son fils, ses ambitions personnelles, ses repositionnements opportunistes. Et quand ce n’était pas directement pour Ganiou, c’était pour ses enfants à lui, grignotant le peu de pension et d’avantages que l’ancien président perçoit encore.
Ce n’est donc pas le respect du père qui guide ce cri d’alarme, mais la panique face à un basculement symbolique : Nicéphore Soglo ne peut plus être utilisé . Il ne peut plus servir de cheval de Troie pour la “restructuration” fantasmée de la Renaissance du Bénin (RB) que Ganiou appelle de ses vœux depuis quelques jours . Or, comment relancer un parti sans icône vivante ? Comment convaincre sans l’ombre tutélaire de l’ancien chef de l’État ?
Ce qui dérange : un vieux lion encore libre
Les récentes apparitions de l’ancien président Soglo ne sont pas une mise en scène – elles sont un désaveu. Celui d’un homme de 94 ans, libre encore de dire ce qu’il pense, même si cela déplaît à ses proches. Oui, Nicéphore Soglo a salué certaines réalisations du régime actuel. Et alors ? Est-ce cela qui mérite un communiqué solennel, une menace à peine voilée à l’État et à des journalistes ?
Non, ce qui irrite Ganiou, c’est que son père ose encore penser par lui-même, fût-ce avec les fragilités de l’âge. Ce n’est donc pas l’instrumentalisation qui le gêne, c’est l’autonomie. Et l’ironie de la situation, c’est que celui qui parle d’“abus de faiblesse” semble en avoir fait son mode de gouvernance familiale pendant des années.
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Une mise au point nécessaire
L’opinion publique n’est pas dupe. Elle voit bien que derrière cette envolée morale se cache une guerre de position. Ganiou Soglo ne digère pas que son père échappe à sa garde politique rapprochée. Il ne supporte pas de le voir faire des gestes d’apaisement là où lui rêve encore d’affrontement et de revanche. Il espère toujours remettre la RB sur orbite, en son nom, avec comme label celui de ses parents. Mais la carte Soglo père ne fonctionne plus. Et au lieu d’accepter cette réalité, il l’habille de grands principes.
On ne protège pas ses aînés par communiqué. On les protège au quotidien, dans la discrétion, sans leur retirer la dignité de penser, de parler, ou même de changer d’avis.
Le plus grand hommage que Ganiou pourrait rendre à son père aujourd’hui, ce n’est pas de le bâillonner au nom de la dignité. C’est de le laisser vivre, s’exprimer et, pourquoi pas, choisir d’appuyer des politiques publiques qu’il estime bénéfiques pour le pays. Même si cela contredit les ambitions d’un fils trop longtemps resté dans l’ombre.
Ganiou Soglo ne s’alarme pas parce qu’on exploite son père. Il s’inquiète parce qu’il ne peut plus l’exploiter lui-même. Et c’est là que le vernis craque.
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