vendredi 13 juin 2025

Laurent Gbagbo relance la bataille politique avec le mouvement « Trop c’est Trop ! »

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À quatre mois de la présidentielle ivoirienne d’octobre 2025, l’ancien président sort du silence pour fédérer le mécontentement social autour d’un mouvement citoyen qu’il veut au-dessus des partis. Analyse.

C’est une lettre ouverte dont le ton tranche avec le silence de ces derniers mois. Dans un document de trois pages publié ce mercredi 12 juin, Laurent Gbagbo, ancien président de la République et président du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), annonce la création d’un nouveau mouvement : « Trop c’est Trop ! ». Plus qu’une simple déclaration d’intention, ce texte sonne comme un signal de mobilisation à quelques mois d’une élection présidentielle dont les contours restent flous mais potentiellement explosifs.

Un appel au peuple, au-delà des partis

Dans un style direct, Gbagbo dresse un tableau sombre de la situation politique et sociale du pays : dérives autoritaires, montée des inégalités, pauvreté, exclusion, injustice. Il s’en prend à un régime en place depuis « près de 15 ans » (sans jamais nommer directement Alassane Ouattara) qu’il accuse d’avoir confisqué la parole populaire. Pour y répondre, il lance ce qu’il qualifie de « levier citoyen », ni parti politique ni mouvement insurrectionnel, mais « un espace de rassemblement transversal » face à un pouvoir qu’il qualifie d’« arrogant ».

« Trop c’est Trop ! » se veut l’expression de « la voix des sans-voix » : jeunes, femmes, déguérpis, précaires, paysans, enseignants, artistes… Le mot d’ordre est clair : « Donner au peuple une plateforme forte et audible pour faire valoir ses droits ».

Des revendications ciblées et une ligne rouge constitutionnelle

Le mouvement repose sur deux axes : des revendications sociales fortes et le respect de la Constitution. Sur le premier volet, Gbagbo cible la vie chère, les déguerpissements, l’exclusion, l’emprisonnement des opposants. Sur le second, il fixe une ligne rouge : le refus d’un quatrième mandat, en référence à une éventuelle nouvelle candidature d’Alassane Ouattara, qui continue de nourrir la controverse constitutionnelle et les tensions politiques.

En agitant cette menace, Gbagbo cherche à fédérer une opposition dispersée autour d’un socle commun : la défense de la démocratie ivoirienne. Il s’érige en rempart citoyen, dans une démarche qui rappelle ses prises de parole des années 1990 contre le régime d’Houphouët-Boigny, puis de Bédié.

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Un positionnement stratégique à l’approche du scrutin

À moins de quatre mois du scrutin présidentiel prévu en octobre, cette lettre s’apparente à une entrée en campagne sans le dire. Si Laurent Gbagbo ne se déclare pas explicitement candidat (et reste juridiquement inéligible en l’état actuel du droit), il réaffirme son rôle de leader d’opinion, capable de mobiliser une base populaire importante, notamment dans l’ouest et les quartiers populaires d’Abidjan.

La formule « Le pouvoir doit être au peuple, par le peuple, et pour le peuple » résonne comme une volonté de se réapproprier une légitimité perdue depuis la crise post-électorale de 2010-2011. Mais aussi de marquer une différence de méthode : contre les armes, Gbagbo dit croire au peuple, dans une rhétorique pacifiste destinée à rassurer aussi bien les électeurs que les partenaires internationaux.

Une nouvelle donne pour l’opposition ?

Ce mouvement pourrait rebattre les cartes dans une opposition encore désunie. Entre un PDCI orphelin de Bédié, une gauche fragmentée, et un RHDP en quête d’incarnation s’il devait se passer de Ouattara, le terrain reste ouvert.

En créant un cadre extra-partisan, Laurent Gbagbo se positionne en rassembleur des mécontents, tout en gardant le flou sur ses ambitions personnelles. Il mise sur un sursaut citoyen, dans un contexte où l’abstention pourrait battre des records.

Vers une présidentielle sous tension

Le lancement de « Trop c’est Trop ! » ajoute un nouvel acteur, imprévisible, à un paysage politique déjà sous tension. Reste à savoir si cette initiative restera au stade d’un mouvement de rue ou s’il servira de tremplin politique pour une candidature, la sienne ou celle d’un dauphin désigné.

Une chose est sûre : avec cette lettre, Laurent Gbagbo rappelle qu’il n’a pas dit son dernier mot. Et que, pour lui, la lutte continue.

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