Le Sénégal s’apprête à vivre un moment rare de son histoire judiciaire et politique. Cinq anciens ministres ayant servi sous la présidence de Macky Sall seront prochainement jugés par la Haute Cour de justice, à la suite d’un vote majoritaire de l’Assemblée nationale, ce jeudi 8 mai. Ce développement marque une volonté assumée des institutions sénégalaises de faire toute la lumière sur la gestion controversée des fonds destinés à la lutte contre la pandémie de Covid-19.
Les ministres concernés (Moustapha Diop, Amadou Mansour Faye, Aïssatou Sophie Gladima, Salimata Diop et Ismaïla Madior Fall) sont poursuivis pour des faits graves. Quatre d’entre eux sont accusés de détournement de fonds publics, notamment ceux du programme d’urgence « Force Covid-19 », mis en place pour soutenir les ménages et les entreprises affectés par la crise sanitaire. Seul Ismaïla Madior Fall, ancien ministre de la Justice, est visé pour des faits distincts, notamment des accusations de malversation et de corruption.
Cette décision de renvoi intervient après la publication en 2023 d’un rapport accablant de la Cour des comptes, qui avait mis en lumière d’importantes irrégularités dans la gestion des ressources mobilisées durant la pandémie. Ce rapport avait conduit, en avril dernier, le parquet financier de Dakar à ouvrir une série de procédures visant plusieurs personnalités, dont les cinq anciens ministres aujourd’hui mis en accusation.
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La Haute Cour de justice, seule habilitée à juger les anciens ministres et chefs d’État pour des infractions commises dans l’exercice de leurs fonctions, n’a été sollicitée que deux fois depuis l’indépendance du pays. En 1963, elle avait jugé l’ancien président du Conseil Mamadou Dia, condamné pour tentative de coup d’État. En 2005, elle avait instruit le dossier de l’ancien Premier ministre Idrissa Seck, finalement blanchi après un non-lieu.
Ce nouveau recours à cette juridiction exceptionnelle s’inscrit dans un contexte politique tendu, au lendemain d’une transition présidentielle marquée par l’arrivée au pouvoir de Bassirou Diomaye Faye. La procédure judiciaire à venir s’annonce hautement symbolique : elle teste la solidité des institutions sénégalaises et pourrait ouvrir une ère nouvelle de reddition des comptes dans la gestion des affaires publiques.
Dans un pays où les appels à la transparence et à la lutte contre la corruption ont toujours figuré en tête des revendications citoyennes, le renvoi de ces anciens ministres devant la Haute Cour est perçu par une partie de l’opinion comme une avancée vers une gouvernance plus rigoureuse. Reste à voir si les procédures tiendront leurs promesses en matière de justice impartiale et de respect du droit.
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