mardi 1 juillet 2025

Terrorisme : au nord du Bénin, une nouvelle doctrine sécuritaire est en marche

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Dans l’univers feutré de la diplomatie sécuritaire régionale, les dernières opérations menées par l’armée béninoise au nord du pays sont passées relativement inaperçues. Pourtant, elles marquent un tournant. Le 24 juin, puis le 28 juin 2025, les Forces de défense et de sécurité (FDS) du Bénin ont mené deux offensives majeures dans le département de l’Alibori et dans la zone hautement stratégique du « point triple », à la jonction avec le Burkina Faso et le Niger. Bilan : près d’une dizaine de terroristes neutralisés, des bases détruites, des stocks de ravitaillement et des motos saisies. Aucune perte béninoise.

Le Bénin muscle sa réponse

Longtemps considéré comme un pays en marge de l’arc sahélien de l’insécurité, le Bénin n’échappe plus à la menace djihadiste. Depuis quatre ans, les incursions de groupes armés venus du Burkina Faso et du Niger se sont multipliées dans les départements septentrionaux. En 2024, l’armée béninoise a payé un lourd tribut. C’est dans ce contexte qu’a été opérée une réorganisation de l’opération antiterroriste Mirador, désormais dirigée par le colonel André Dokoui Fofo, connu pour son approche mobile et offensive.

Les frappes du 28 juin, combinant interventions au sol et soutien aérien, témoignent de cette montée en puissance. Loin de se contenter d’une posture défensive, les FDS ont ciblé une base en phase d’installation, anticipant des actions futures. Dans la guerre asymétrique que mènent les groupes djihadistes, cette capacité d’initiative est un atout rare.

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Une bascule géostratégique

Le nord du Bénin est aujourd’hui un espace de convoitise pour les groupes affiliés au JNIM ou à l’EIGS. La zone du « point triple » (poreuse, peu contrôlée, historiquement marginalisée) constitue un terrain favorable aux implantations clandestines. En frappant une base encore en cours de structuration, l’armée béninoise montre qu’elle entend couper l’herbe sous le pied à ceux qui voudraient y établir un sanctuaire.

Mais au-delà de l’action militaire, c’est la coordination régionale qui sera déterminante. Le Bénin est membre de l’Initiative d’Accra, qui vise à mutualiser les efforts des États côtiers face à la poussée terroriste venue du Sahel. Ses récents succès opérationnels pourraient le positionner comme un acteur central de cette nouvelle architecture sécuritaire sous-régionale.

Rester vigilant

Ces victoires tactiques ne doivent cependant pas masquer les défis de fond. Une action militaire efficace ne saurait remplacer une politique de développement robuste et inclusive dans les zones frontalières. Les failles de gouvernance, l’absence d’État, le chômage endémique, et les tensions intercommunautaires nourrissent le terreau de la radicalisation.

Le gouvernement béninois a, à plusieurs reprises, affirmé sa politique de « tolérance zéro » face au terrorisme. Encore faut-il qu’à la victoire militaire s’ajoute une stratégie de résilience civile. Car ce que les armes peuvent gagner aujourd’hui, l’oubli ou l’inaction peuvent le faire perdre demain.

Un signal envoyé à la CEDEAO

Alors que l’espace CEDEAO est secoué par des crises politiques, des retraits d’États membres et une défiance croissante envers les institutions régionales, le Bénin envoie un message fort : il est possible de résister. En combinant professionnalisation de l’armée, appui international discret et meilleure anticipation, Porto-Novo entend prouver que les États côtiers ne sont pas condamnés à subir.

Dans une sous-région où les équilibres se redessinent, le cas béninois mérite d’être suivi de près. Il pourrait bien inspirer d’autres pays aujourd’hui à la croisée des chemins.

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