Trois jours après la tentative de coup d’État avortée du 7 décembre au Bénin, de nouvelles révélations viennent rebattre les cartes. Selon plusieurs sources concordantes citées par Jeune Afrique, le lieutenant-colonel Pascal Tigri – chef autoproclamé d’un « Comité pour la refondation militaire » et visage du putsch manqué se trouverait désormais au Togo, à Lomé 2.
Une information qui soulève plusieurs interrogations majeures, tant sur le plan sécuritaire que diplomatique.
Un putsch avorté, un chef en fuite
Dimanche 7 décembre, Tigri apparaissait sur la télévision nationale, casque sur la tête et fusil en bandoulière, pour annoncer la destitution du président Patrice Talon, la suspension de la Constitution et la fermeture des frontières.
Une proclamation vite balayée par la réaction de la Garde républicaine béninoise, restée loyale, puis par l’intervention déterminante de drones nigérians, sollicités par Cotonou dans l’après-midi.
Si plusieurs mutins ont été interpellés, le lieutenant-colonel Tigri, lui, avait disparu… jusqu’aux révélations de ce 10 décembre.
Un refuge à Lomé : que compte faire le Togo ?
Selon les informations obtenues par Jeune Afrique, Tigri aurait été localisé à Lomé 2. Cotonou prépare d’ailleurs une notice rouge d’Interpol avec demande d’extradition.
Reste une question centrale : le Togo acceptera-t-il d’extrader un homme accusé d’avoir tenté de renverser un gouvernement voisin ?
Car les relations entre les deux pays, cordiales mais souvent prudentes, se sont parfois trouvées en décalage sur les crises sahéliennes. Lomé privilégie le dialogue avec les nouvelles juntes de Bamako, Niamey ou Ouagadougou, tandis que Cotonou a adopté une ligne plus ferme face aux coups d’État militaires.
Cette différence de posture pourrait-elle peser dans la balance ? Lomé n’a pour l’instant ni confirmé ni démenti la présence de Tigri.
Le risque d’un transfert vers le Burkina Faso ?
Une autre interrogation alimente les débats : le Togo pourrait-il choisir de transférer rapidement Tigri vers un pays allié, notamment le Burkina Faso, et présenter ce geste comme un “escapement” hors de son contrôle ?
Rien ne permet aujourd’hui de l’affirmer. Mais les craintes existent : dans la sous-région, certains précédents ont montré que des officiers impliqués dans des tentatives de putsch pouvaient parfois disparaître d’un pays à l’autre, au gré des solidarités ou opportunités politiques.
Pour le Bénin, une telle issue serait vécue comme une fuite de responsabilité et un mauvais signal envoyé à une région déjà éprouvée par l’instabilité.
Le Bénin en attente de coopération régionale
La demande d’extradition imminente sera un test. Un test pour la relation bilatérale. Un test pour la crédibilité de la lutte contre les coups d’État en Afrique de l’Ouest. Et un test pour la volonté de Lomé de se tenir aux côtés d’un pays où la tentative de déstabilisation a été clairement repoussée par l’État et par la population.
Le Bénin espère désormais que le Togo saura :
- coopérer pleinement avec la procédure d’Interpol,
- garantir que Tigri et ses complices ne disparaîtront pas dans un troisième pays,
- éviter toute manœuvre pouvant être interprétée comme une protection politique ou une expédition discrète vers le Burkina Faso.
Dans une région fragilisée par les transitions militaires et les risques de contagion putschiste, la clarté et la fermeté seront cruciales.
