À 86 ans, Jean-Lucien Savi de Tové accède à la magistrature suprême du Togo, couronnant un parcours politique et institutionnel hors du commun. Son élection à la tête de l’État intervient dans un moment de transition délicate pour le pays, qui semble miser sur l’expérience et la sagesse d’un homme resté fidèle, durant plus de quarante ans, à ses principes de dialogue, d’équilibre et de justice.
Un monument de la vie publique togolaise
Né le 7 mai 1939 à Lomé, Savi de Tové n’est pas un inconnu pour les Togolais. Docteur en sciences politiques formé à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, il s’est spécialisé en relations internationales et en administration publique. Dès son retour au pays, il s’impose comme une référence dans les cercles de l’administration togolaise, reconnu pour sa rigueur et sa loyauté républicaine.
Mais c’est en 1979, dans les geôles du régime Eyadéma, que le destin de Jean-Lucien Savi de Tové bascule. Accusé de tentative de complot contre l’État, aux côtés d’opposants comme Gilchrist Olympio, il est condamné à dix ans de prison. Cette épreuve scelle son engagement réformiste et son attachement au combat démocratique.
Une figure centrale de la transition démocratique
Libéré dans les années 1990, au moment où le vent de la démocratie souffle sur le continent africain, Savi de Tové devient ministre du Commerce dans un gouvernement de transition. Il y défend une ligne pragmatique, cherchant à concilier libéralisation économique et justice sociale, dans un contexte de tensions politiques persistantes.
Son rôle à la Conférence nationale souveraine de 1991 le propulse au rang de figure morale du pluralisme togolais. Partisan d’une refondation pacifique de l’État, il y incarne une voie médiane, attachée au consensus et à l’intérêt supérieur de la nation.
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Militant du dialogue et homme de compromis
En 1999, il cofonde avec Edem Kodjo la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP), un parti d’opposition modérée favorable à une alternance démocratique négociée. Jean-Lucien Savi de Tové participe à de nombreux cadres de concertation politique, dont le Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC), jouant souvent le rôle d’arbitre discret mais influent dans les débats sur les réformes électorales et institutionnelles.
Son engagement dépasse les frontières du politique. Longtemps secrétaire général du Comité National Olympique du Togo (CNOT), il a œuvré à faire du sport un vecteur de cohésion sociale, tout en soutenant plusieurs initiatives culturelles et citoyennes.
Un président d’équilibre pour une nation en quête d’apaisement
L’élection de Jean-Lucien Savi de Tové à la présidence du Togo apparaît comme un choix symbolique fort. Dans un pays traversé par des fractures politiques anciennes et un besoin renouvelé de stabilité, son profil tranche avec les figures classiques du pouvoir. Ni homme de clan, ni chef de parti, il incarne la continuité républicaine autant que l’esprit de transition.
Son âge avancé n’est pas perçu comme un handicap, mais comme un gage d’expérience et de détachement face aux logiques partisanes. Pour beaucoup, il est un « sage », un homme d’État plus qu’un politique, capable de rassembler autour d’une vision apaisée de la gouvernance.
Un dernier service à la nation ?
À la tête de l’État, Jean-Lucien Savi de Tové devra désormais concilier l’héritage de ses combats passés avec les exigences pressantes d’un présent instable : réformes institutionnelles, réconciliation nationale, développement inclusif. Ce vétéran de la politique togolaise a déjà prouvé qu’il savait écouter, négocier et fédérer.
Son mandat pourrait bien être celui d’un passage de témoin, dans la sérénité, vers une nouvelle génération politique. Un ultime service à la nation, rendu par un homme dont la trajectoire force le respect, bien au-delà des clivages togolais.
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