Une enquête de Conflict Armament Research (CAR) révèle les circuits d’approvisionnement de l’arsenal djihadiste au Sahel, où sévit une violence sans précédent.
Dans une région où l’insécurité s’intensifie et où les États peinent à contenir les groupes armés, une enquête inédite du centre britannique Conflict Armament Research (CAR) jette une lumière crue sur l’origine des armes utilisées par les terroristes dans le Sahel. Les résultats sont aussi édifiants qu’inquiétants.
Un Sahel à feu et à sang
La zone des trois frontières (Mali, Burkina Faso, Niger) reste l’épicentre du djihadisme en Afrique de l’Ouest. Selon le Global Terrorism Index 2025, la région a concentré 50 % des morts liées au terrorisme dans le monde en 2024.
Les groupes actifs sont bien connus : le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM, affilié à Al-Qaïda), l’État islamique au Grand Sahara (EIGS), mais aussi l’État islamique en Afrique de l’Ouest (EIAO) et Boko Haram dans la région du lac Tchad. Profitant de la faiblesse des États et des crises politiques, ces organisations armées multiplient les attaques meurtrières.
Des armes vieilles, mais meurtrières
L’enquête menée par CAR depuis 2015 a permis d’analyser 700 armes récupérées dans les zones de conflit du Liptako-Gourma et du lac Tchad. Résultat : 80 % sont des fusils d’assaut, souvent de fabrication russe, chinoise, ou d’Europe de l’Est (Pologne, Roumanie, Bulgarie). 60 % de ces armes datent des années 60 à 80, preuve que les groupes djihadistes misent sur la récupération et la réutilisation d’anciens stocks.
Seulement 5 % des armes saisies ont été fabriquées après 2011. Un chiffre qui reflète à la fois la rareté des circuits récents et l’importance des récupérations sur le terrain.
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Un quart de l’arsenal… issu des armées nationales
L’un des constats les plus troublants de l’enquête concerne la provenance des armes : environ 25 % de celles retrouvées entre les mains des groupes djihadistes au Sahel appartenaient initialement aux armées du Mali, du Burkina Faso ou du Niger. Il ne s’agit pas toujours de complicités internes, précisent les enquêteurs, mais bien souvent de butins de guerre récupérés après des attaques contre les forces armées.
Une tendance confirmée récemment au Bénin, où une vidéo de propagande a montré des djihadistes exhibant des armes prises aux soldats béninois. Une pratique qui alimente la propagande terroriste et contribue à leur recrutement.
La Libye, une poudrière en arrière-plan
Autre source identifiée : les arsenaux libyens post-Kadhafi. Si la chute du régime libyen en 2011 a ouvert un vaste marché noir d’armes, l’enquête de CAR relativise son poids : seulement 7 % des armes analysées proviennent de Libye, et aucun lien structuré avec les groupes du lac Tchad n’a pu être démontré.
Le risque d’un cycle sans fin
Pour les chercheurs de CAR, la réponse militaire des États est nécessaire, mais insuffisante à elle seule. L’achat massif d’armement dans les pays du Sahel et du Golfe de Guinée présente un risque réel : que ces nouvelles armes tombent à leur tour entre les mains des groupes terroristes.
Claudio Gramizzi, chef de mission chez CAR, alerte : « Il faut renforcer la chaîne pénale, mieux sécuriser les stocks, mais aussi investir dans des politiques sociales fortes pour couper les racines du terrorisme ».
Cette enquête souligne que l’arsenal des groupes terroristes n’est pas alimenté par des réseaux occultes internationaux, mais par les failles internes des États sahéliens eux-mêmes. Un appel urgent à une approche plus globale, combinant sécurité, justice, gouvernance et développement.
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