Ce qui devait être une procédure administrative classique de reconnaissance légale d’un nouveau parti politique au Bénin s’est transformé en affaire politico-administrative retentissante, avec à la clé la suspension de deux fonctionnaires du ministère de l’Intérieur, soupçonnés de corruption dans le traitement du dossier du parti “Le Libéral” (LLB).
Alors que ce parti venait d’obtenir, le 25 avril dernier, son récépissé provisoire de déclaration administrative, le processus de légalisation a été soudainement éclipsé par de graves révélations. Dans une déclaration rendue publique ce 15 mai 2025, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique a exposé des faits de corruption avérés impliquant deux de ses collaborateurs : l’un en service à la Direction des Affaires intérieures et des Cultes, l’autre à la Direction des Partis politiques et des Affaires électorales.
Une procédure longue mais conforme
Le parti “Le Libéral”, initié par un groupe de mandataires en août 2024, a d’abord suivi un parcours administratif laborieux mais conforme à la loi n° 2018-23 portant Charte des partis politiques en République du Bénin, modifiée par la loi n° 2019-41. Dès le départ, plusieurs insuffisances ont été relevées dans le dossier initial. Trois vagues de corrections (en septembre, décembre 2024, puis février 2025) ont été exigées par les services compétents du ministère.
Une assemblée générale constitutive s’est finalement tenue à Abomey-Calavi le 5 avril 2025, permettant de déposer une version corrigée des statuts et documents requis. Le récépissé provisoire a été délivré le 25 avril, marquant une étape essentielle vers la reconnaissance définitive du parti.
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Un coup d’arrêt brutal : la corruption révélée
Mais à peine ce récépissé provisoire transmis au Journal officiel pour publication, des informations issues de “sources dignes de foi” ont fait état d’un système de facilitation illégale. Un cadre de la Direction des Affaires intérieures et des Cultes aurait, selon le ministre, proposé ses services au responsable du parti en création, en échange d’une somme d’argent, afin d’accélérer le traitement de son dossier.
Pire, ce même agent aurait ensuite convaincu un collègue de la Direction des Partis politiques de participer à l’opération, contre promesse de rétribution. Tous deux auraient alors perçu des montants significatifs du responsable du parti, dans une tentative d’influencer le processus administratif.
La réponse immédiate de l’État
Face à ces révélations, le ministre de l’Intérieur a annoncé avoir saisi sans délai la Direction générale de la Police républicaine, ordonnant l’interpellation des deux agents concernés ainsi que du présumé corrupteur, le principal mandataire du parti. La Brigade économique et financière a été mise à contribution pour faire toute la lumière sur cette affaire.
En parallèle, les deux fonctionnaires mis en cause ont été suspendus de leurs fonctions, dans l’attente des suites judiciaires. Le ministre a rappelé qu’il s’agit là d’une suspension sans préjudice des sanctions pénales à venir, réaffirmant sa volonté de garantir l’intégrité de l’administration publique.
Une affaire symptomatique d’un système en mutation
Cet incident soulève de sérieuses questions sur la transparence et la solidité des réformes politiques engagées depuis 2018. Si la Charte des partis politiques a permis de réduire le nombre de formations politiques fantaisistes, la lourdeur des procédures et la centralisation du pouvoir d’appréciation semblent ouvrir des brèches à des pratiques clientélistes ou corruptives.
Il apparaît également que les lenteurs ou la complexité administrative pourraient parfois être instrumentalisées par certains agents pour en tirer des avantages indus. Le cas du parti “Le Libéral”, désormais entaché malgré son respect final des exigences légales, pourrait servir de référence pour repenser les dispositifs de contrôle interne au sein de l’administration publique.
Encadré : Que dit la loi sur la création d’un parti politique ?
La législation béninoise impose plusieurs conditions strictes pour la reconnaissance d’un parti : un siège national, une représentativité géographique, des statuts conformes, et l’organisation d’un congrès constitutif. Depuis les réformes de 2018, l’obtention d’un récépissé est soumise à une vérification rigoureuse, en plusieurs étapes. Ce mécanisme vise à assainir l’espace politique, mais suppose une administration irréprochable, un idéal mis à rude épreuve par cette affaire.
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