C’est une décision d’une portée géopolitique majeure qui vient d’être prise à Changsha, au terme de la réunion des coordinateurs du Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC), les 11 et 12 juin : la Chine a annoncé la suppression immédiate de l’ensemble des droits de douane sur les produits exportés par les 53 pays africains entretenant des relations diplomatiques avec elle. Une mesure à la fois spectaculaire et stratégique, qui propulse le partenariat sino-africain dans une nouvelle ère, et pourrait bien redessiner les flux du commerce mondial.
Un tournant politique et commercial
Ce geste unilatéral, salué comme “historique” par plusieurs délégations africaines présentes à Changsha, intervient dans un contexte de fragmentation croissante des chaînes de valeur mondiales. En offrant un accès en franchise de droits à 100 % des produits africains, Pékin ne se contente pas de soutenir la croissance africaine : elle engage une restructuration du commerce Sud-Sud et affirme un modèle alternatif à celui, jugé instable, des puissances occidentales.
“Il ne s’agit pas d’un simple allégement tarifaire. C’est une déclaration de solidarité structurelle, un acte de foi dans le potentiel africain”, a déclaré Wang Yi, ministre chinois des Affaires étrangères, à l’ouverture du sommet, où il portait un message personnel du président Xi Jinping.
La déclaration finale de Changsha, adoptée à l’unanimité, met en avant une philosophie politique assumée : solidarité entre pays en développement, défense du multilatéralisme commercial et rejet des “guerres tarifaires” perçues comme nuisibles aux économies du Sud.
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Pékin face à Washington : deux visions du commerce avec l’Afrique
Le contraste est saisissant avec les États-Unis, dont le retour au pouvoir de Donald Trump s’accompagne d’un regain de protectionnisme économique. À Washington, les débats autour d’une révision de l’AGOA (African Growth and Opportunity Act) alimentent l’inquiétude dans plusieurs capitales africaines, notamment à propos d’éventuelles restrictions tarifaires ciblant des économies africaines émergentes.
Là où les États-Unis conditionnent les préférences commerciales à des critères politiques ou sécuritaires, la Chine privilégie une approche fondée sur l’ouverture inconditionnelle, les transferts d’infrastructures, et une neutralité politique assumée. Pour de nombreux gouvernements africains, cette bascule est désormais tangible.
“Le modèle chinois, c’est celui du respect mutuel et du développement commun”, confie un diplomate ouest-africain présent à Changsha. “Et aujourd’hui, ce modèle est plus lisible que celui de Washington”.
Une coopération économique au long cours
La suppression des droits de douane ne vient pas seule. Elle s’inscrit dans le cadre plus large des engagements pris par Pékin pour la période 2025–2027, à hauteur de 50 milliards de dollars, répartis entre :
• 29 milliards de prêts concessionnels ;
• 11 milliards d’aides directes ;
• 10 milliards d’investissements publics et privés.
Dix secteurs clés ont été identifiés comme prioritaires : commerce, infrastructures, agriculture, santé, environnement, sécurité, innovation industrielle, énergie, numérique et formation.
La Chine confirme ainsi son rôle de premier partenaire commercial de l’Afrique pour la seizième année consécutive. Les échanges bilatéraux ont atteint 2 100 milliards de yuans en 2024 (environ 290 milliards de dollars), soit une croissance exponentielle depuis les années 2000. Sur les trois dernières années, Pékin revendique la création de 1,1 million d’emplois directs en Afrique via ses investissements.
Un pacte de souveraineté économique
Au-delà des chiffres, l’annonce de Changsha incarne une vision du partenariat fondée sur la souveraineté économique et l’intégration africaine. En supprimant tous les droits de douane, la Chine donne à l’Afrique les moyens de valoriser localement sa production, d’améliorer sa compétitivité à l’export et d’accélérer sa transformation industrielle.
Reste à voir si ce geste s’accompagnera de politiques douanières équivalentes sur le continent africain, afin de créer une dynamique véritablement réciproque. Pékin, en tout cas, entend faire de cette décennie celle de l’égalisation des chances dans le commerce mondial.
Avec cette décision, la Chine redéfinit les termes de la coopération internationale en faveur des pays du Sud. En pleine recomposition des alliances économiques mondiales, Changsha pourrait bien devenir le nom d’un tournant décisif dans l’histoire des relations sino-africaines.
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