Du cabinet Deloitte aux couloirs du pouvoir, il a tracé son chemin sans bruit, à la manière de ceux qui préfèrent les actes aux discours. À l’aube de la présidentielle de 2026, Romuald Wadagni incarne une promesse rare en politique : celle de l’efficacité au service du collectif.
Une rencontre décisive avec les sojaculteurs

15 novembre 2023, à Parakou. La chaleur du matin pèse sur la salle de réunion où Romuald Wadagni prend place aux côtés du ministre de l’Agriculture. En face, une centaine de producteurs de soja, visages marqués par les saisons, regards déterminés, venus parler de leurs récoltes et de leurs espoirs.
Wadagni écoute longuement, stylo en main, le regard fixé sur ceux qu’il appelle « les bâtisseurs silencieux de notre économie ». Pas de promesses creuses, seulement une phrase, calme : « Vos mots ne resteront pas sans suite ».
Il esquisse un sourire discret. « Mon premier métier, c’est de régler les problèmes », glisse-t-il, comme on énonce une vérité simple. Chez lui, le pouvoir n’est pas une posture : c’est une responsabilité.
Le lendemain, la nouvelle tombe à l’issue du Conseil des ministres, comme une pluie attendue : le soja est libéré. Plus d’agrément, plus de barrières administratives. Désormais, producteurs et commerçants fixent leurs prix, leurs dates, leurs ventes. L’exportation s’ouvre, libre, mais canalisée par le port de Cotonou. La contribution à la recherche agricole fond de 140 à 30 F CFA le kilo.
Dans les champs du nord, les téléphones s’enflamment, les visages s’éclairent. « Ce jour-là, on a su que les choses pouvaient changer », murmure un producteur de Tchaourou. En l’espace de vingt-quatre heures, une filière entière retrouve son souffle.
LIRE AUSSI : Romuald Wadagni : la relève qui s’impose
Le fils du devoir

Lokossa, 1976. Dans cette ville paisible du sud-ouest béninois, un enfant apprend très tôt la valeur du travail. Son père, Nestor, ingénieur statisticien, est un homme de principes ; sa mère, commerçante avisée, gère ses affaires comme un mini-trésor public.
« Tu seras un intellectuel, mais tu devras comprendre la vie des manœuvres », répétait le père.
Alors, chaque été, Romuald apprend la maçonnerie, la mécanique, l’élevage de lapins. Le savoir dans les livres, oui, mais les mains dans la terre, surtout.
À quinze ans, il supervise la construction de la maison familiale. En parallèle, il s’initie au judo jusqu’à décrocher la ceinture noire. Discipline, maîtrise, équilibre : autant de vertus qu’il portera plus tard dans la gestion de l’État. Chez les Wadagni, la rigueur ne se proclame pas, elle s’incarne.
Grenoble, Harvard, Deloitte : l’apprentissage du monde
Quand il quitte le Bénin pour Grenoble, c’est un saut dans l’inconnu. Son père hésite, son mentor, Christian Migan, le pousse à oser. Il part avec un rêve simple : comprendre le monde pour mieux servir le sien.
Major de sa promotion, il rejoint Deloitte-Lyon, puis Boston. À Harvard, il découvre la rigueur américaine, la précision du management global. L’anglais devient sa seconde langue, l’audit son terrain de jeu.
Chez Deloitte, il se distingue par son exigence et son goût du résultat : en 2012, à 36 ans, il est promu associé, un fait rarissime pour un Africain. Il supervise des missions en Europe, en Amérique et en Afrique, fonde les bureaux de Cotonou, Kinshasa et Lubumbashi, et s’impose comme une référence du conseil financier en Afrique francophone.
Ses collègues le décrivent comme méthodique, d’une concentration presque militaire. « Romuald ne parle jamais pour meubler. Il parle pour avancer », confie l’un d’eux. De Lyon à Kinshasa, de Paris à Abidjan, il conseille gouvernements et multinationales. Mais au fond de lui, une idée persiste, tenace : rentrer au pays.
Le retour
À Paris, une rencontre scelle son destin.
Patrice Talon, alors en exil, échange longuement avec lui. Entre le président en devenir et le technocrate réservé, le lien se tisse naturellement : vision commune, goût de la rigueur, méfiance du bavardage.
Quelques mois plus tard en avril 2016, Wadagni devient ministre de l’Économie et des Finances à 39 ans. Il applique au pays la méthode apprise en entreprise : transparence, discipline, mesure.
Derrière les chiffres, un projet politique se dessine : industrialiser, moderniser et ouvrir le pays aux marchés mondiaux. Sous sa supervision, la Zone industrielle de Glo-Djigbé (GDIZ) devient le symbole de cette ambition : transformer localement le coton, le soja et le cajou pour créer des emplois durables.
Le ministre, que ses collaborateurs décrivent comme « exigeant mais juste », applique la même rigueur dans la gestion de la dette publique, saluée par le FMI et la Banque mondiale. Et les résultats suivent.
En huit ans, la croissance bondit à 7,5 %. Le Bénin obtient sa meilleure notation souveraine (BB-), émet la première obligation ODD d’Afrique et attire investisseurs et bailleurs. Le pays change de catégorie : revenu intermédiaire.
« Wadagni a géré les finances publiques comme on redresse brillamment une entreprise », observe un diplomate européen.
LIRE AUSSI : Romuald Wadagni : du « goat de la finance » au favori de la présidentielle béninoise
L’homme derrière les chiffres
Mais derrière le technocrate à la diction posée, il y a un homme habité par la conviction que le développement doit partir du réel : la terre, le travail, la jeunesse.
Marié, père de deux enfants, il fuit les projecteurs. Le week-end, il préfère marcher incognito dans les marchés ou visiter ses fermes de Comé et Savalou, où il forme de jeunes agriculteurs.
« C’est là que je recharge mes batteries », confie-t-il. Le père Nzamujo, du Centre Songhaï, se souvient de lui : « Il voulait comprendre comment nourrir son pays, pas seulement le financer ».
Chez Wadagni, l’efficacité ne s’oppose pas à l’humain : elle le sert.
Le favori prudent

Août 2025. La mouvance présidentielle le désigne candidat pour la présidentielle d’avril 2026.
Les soutiens affluent : anciens présidents, leaders politiques, société civile. Tous louent son calme, sa rigueur, sa constance.
Le technocrate discret devient alors figure politique de premier plan.
Il incarne une équation rare : celle d’un technocrate devenu rassembleur, d’un homme de chiffres mû par une vision humaine, d’un gestionnaire capable d’inspirer confiance.
Le judo et le pouvoir
À Cotonou, celui qui a été nommé plusieurs fois « meilleur ministre africain » par Financial Afrik et The Banker est surnommé « le GOAT des finances ».
Toujours précis, jamais précipité, un adversaire qu’il vaut mieux ne pas sous-estimer. Sa philosophie politique s’inspire aussi de ce sport : patience, équilibre, contrepoids. « Le développement ne se décrète pas, il se construit », aime-t-il répéter. Chaque franc public doit être visible, chaque promesse mesurable. C’est sa règle d’or.
LIRE AUSSI : Romuald Wadagni investi à Parakou : “Je veux être le candidat de tous les Béninois”
Un réformateur à la croisée des chemins
À cinq mois du scrutin de 2026, Romuald Wadagni incarne la continuité des réformes et l’espoir d’une génération qui veut conjuguer efficacité économique et progrès social.
Ses partisans voient en lui un successeur naturel à Patrice Talon : rigoureux, loyal, moderne. Ses détracteurs pointent un profil très technocratique, mais depuis neuf ans, toutes ses décisions et arbitrages pour accélérer le développement du pays en font un acteur politique redoutable.
Fidèle à sa ligne, il se contente de rappeler sa devise : « Servir, c’est agir, pas parler ».
Peut-être le résumé le plus juste d’un homme qui, sans bruit, a déjà imprimé sa marque sur le destin du Bénin.
Le défi est immense : transformer la réussite macroéconomique en prospérité partagée, sans rompre l’équilibre politique qui a porté la stabilité du pays.
Suivez-nous sur Nasuba Infos via notre canal WhatsApp. Cliquez ici.
