L’Afrique de l’Ouest traverse une période sombre où le coup d’État est redevenu, pour certains, un raccourci politique acceptable, voire séduisant. Cette fascination pour le putsch, entretenue par des discours simplistes, des colères légitimes mais mal orientées et une dangereuse glorification militaire sur les réseaux sociaux, constitue aujourd’hui l’une des menaces les plus graves contre l’avenir du continent.
Il faut le dire clairement. Le coup d’État n’est ni une solution, ni un remède, encore moins une révolution. C’est une régression.
On tente de justifier les putschs par la mauvaise gouvernance, l’insécurité ou la pauvreté. Cet argumentaire ne résiste pas à l’analyse. De nombreux pays à travers le monde subissent des crises économiques sévères et des gouvernements inefficaces sans sombrer dans la prise de pouvoir par les armes. La vérité est plus brutale : les coups d’État ne corrigent rien. Ils suspendent la démocratie, détruisent les institutions et installent durablement l’instabilité.
L’expérience récente du Mali, du Burkina Faso et du Niger est édifiante. Les putschistes y ont promis la sécurité, la souveraineté et la rupture avec les anciennes tutelles. Des années plus tard, ces pays restent fragiles, économiquement asphyxiés, diplomatiquement isolés et toujours confrontés à une insécurité persistante, parfois aggravée. Les armées, formées pour combattre, ne sont pas préparées à gouverner. Partout en Afrique de l’Ouest, l’histoire le confirme : les militaires au pouvoir n’ont laissé aucun bilan exemplaire.
Le cas béninois, heureusement avorté, doit servir d’électrochoc. Une économie en croissance soutenue, des échéances constitutionnelles claires, un président en fin de mandat : rien ne justifiait une aventure putschiste. Invoquer l’insécurité ou des débats politiques internes pour tenter de renverser l’ordre républicain relève de la manipulation. Le désordre n’a jamais produit la justice, et les armes n’ont jamais accouché de la démocratie.
Plus inquiétant encore est le rôle de certains citoyens et influenceurs numériques qui, par cynisme, populisme ou quête de visibilité, attisent les braises du chaos. Les réseaux sociaux sont devenus des caisses de résonance de l’irresponsabilité politique, où l’on banalise l’idée du coup d’État comme un spectacle ou une revanche. C’est une dérive dangereuse. On ne joue pas avec la stabilité d’un pays comme on anime un fil d’actualité.
Il faut également cesser l’hypocrisie géopolitique. Défendre l’ordre constitutionnel dans un pays voisin n’est pas de la soumission à une puissance étrangère ; c’est un acte de lucidité et de survie collective. Une région encerclée par des juntes est une région condamnée à l’isolement, à la méfiance et à la pauvreté durable. L’Afrique de l’Ouest ne peut se permettre une normalisation du putsch sans se tirer une balle dans le pied.
Le vrai combat africain n’est pas celui des casernes contre les palais présidentiels. C’est celui des institutions fortes contre l’arbitraire, de la réforme contre la rupture brutale, de la responsabilité citoyenne contre la tentation du chaos. La démocratie africaine est imparfaite, parfois frustrante, souvent lente. Mais elle reste le seul cadre dans lequel les peuples peuvent corriger leurs dirigeants sans détruire l’État.
Dire non aux coups d’État en Afrique n’est pas défendre des hommes au pouvoir. C’est défendre un principe : aucun fusil ne vaut un bulletin de vote, aucune junte ne vaut une Constitution, aucun sauveur en uniforme ne vaut un peuple souverain.
L’Afrique n’a pas besoin de putschs. Elle a besoin de courage civique, de leadership responsable et de citoyens lucides. Tout le reste n’est que bruit, poudre et illusion.
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