lundi 23 juin 2025

Afrique de l’Ouest : et si le salut de la CEDEAO venait du couple Bénin-Nigeria ?

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Au moment où la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) traverse l’une des plus graves crises de son histoire, entre désintégration politique et scepticisme populaire, un discours a fait figure d’électrochoc. Samedi 21 juin 2025, à Abuja, lors du premier Sommet économique de l’Afrique de l’Ouest (WAES), le président du Bénin, Patrice Talon, a livré une intervention inattendue, vibrante, sans concession et sans notes, mais avec une vision.

Son message : il est temps d’ancrer l’intégration régionale dans le concret. Et de commencer là où l’histoire, la géographie et les réalités économiques l’imposent : entre le Bénin et le Nigeria.

Une intégration par la base, pas par le sommet

Dans un style direct, Talon a dressé un constat partagé mais rarement exprimé avec autant de clarté : la pauvreté, les blocages administratifs et les clivages politiques minent depuis trop longtemps le projet régional. Il a affirmé que l’informel (souvent perçu comme un problème) est en réalité une réponse spontanée des peuples à l’inefficacité des États. Une économie de survie qui démontre, à sa manière, que l’intégration existe déjà par le bas.

« Si nous ne partageons pas les mêmes visions politiques, ce n’est pas aussi grave que de ne pas partager le même idéal économique », a-t-il lancé, en appelant ses pairs à faire primer le pragmatisme économique sur les divisions idéologiques.

Il a également déploré les lenteurs et les tracasseries aux frontières, évoquant le paradoxe d’un trajet Lagos-Abidjan qui peut prendre plus de 24 heures, malgré les proclamations en faveur de la libre circulation.

Un pacte Bénin-Nigeria comme signal fort

Au-delà des mots, les actes : en marge du sommet, le Bénin et le Nigeria ont signé un accord bilatéral d’intégration , centré sur la levée des obstacles non tarifaires, la simplification douanière, la convergence fiscale et la coopération réglementaire. Porté par les présidents Bola Ahmed Tinubu et Patrice Talon, ce pacte se veut exemplaire : montrer que deux États africains peuvent bâtir une coopération économique profonde, fonctionnelle et orientée vers les résultats.

Il s’agit là d’un signal important dans une région souvent paralysée par les échecs collectifs. Alors que la CEDEAO semble déstabilisée par les retraits en cascade des régimes militaires du Sahel et les tensions politiques internes, le duo Bénin-Nigeria propose une alternative : reconstruire à deux ce que quinze n’ont pas réussi à bâtir ensemble.

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Un appel à un sursaut historique

Dans ce discours, nombreux ont vu un tournant dans le parcours politique de Patrice Talon, qui entame la dernière phase de son second mandat. Certains y voient une volonté de laisser un legs politique majeur : un appel à l’audace, à la responsabilité, et à une intégration économique qui dépasse les promesses non tenues.

Il est rare qu’un chef d’État africain interpelle en direct ses pairs, fasse l’autocritique des administrations nationales et cite, comme source d’inspiration, le protectionnisme stratégique d’un Donald Trump . Mais c’est précisément cette franchise qui a marqué les esprits à Abuja.

Talon a osé nommer l’échec. Et poser une question clé : que faire maintenant ?

L’Afrique de l’Ouest a-t-elle enfin trouvé son moteur ?

L’histoire retiendra peut-être cette séquence comme le début d’un virage. Le Bénin et le Nigeria ne prétendent pas résoudre tous les problèmes de la région, mais ils pourraient en incarner le noyau de résilience et de relance . Ensemble, ils représentent plus de 230 millions d’habitants, une interface stratégique entre le Golfe de Guinée et le Sahel, et un potentiel d’intégration encore largement sous-exploité.

À l’image du couple franco-allemand qui a, malgré les traumatismes de l’histoire, jeté les bases de l’Union européenne, le tandem bénino-nigérian pourrait devenir l’impulsion pragmatique dont la CEDEAO a besoin pour se réinventer.

Reste à voir si cet élan sera suivi d’effets. Les promesses ne manquent pas en Afrique de l’Ouest. Mais cette fois, les fondations semblent posées. Il faudra de la volonté, de la rigueur et du courage pour bâtir sur ce socle une CEDEAO des peuples, et non des seuls sommets.

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