Dans le théâtre politique béninois dominé par les grands appareils partisans et les logiques de pouvoir centralisé, trois personnalités s’imposent par leur refus obstiné de suivre les chemins balisés : Candide Azannaï, Léon Comlan Ahossi et Célestine Nabéi Zanou.
Marginalisés par les grandes coalitions, ils sont parfois affublés du qualificatif ironique de “arnachistes”, contraction entre anarchiste et anachronique. Mais derrière l’étiquette, se profile une réalité plus subtile : celle de militants politiques engagés, viscéralement attachés à une vision éthique de l’engagement, souvent au prix de leur isolement.
Candide Azannaï : l’homme de rupture permanente
Né le 14 juin 1959 à Porto-Novo, Candide Azannaï est un vétéran de la scène politique béninoise, élu député à la sixième législature et fondateur du parti Restaurer l’Espoir. Il s’illustre en 2015 dans un bras de fer houleux avec le président Boni Yayi, échappant à une tentative d’arrestation que beaucoup qualifient d’arbitraire.
En 2016, il devient l’un des premiers soutiens de Patrice Talon et est nommé ministre délégué chargé de la Défense. Mais l’idylle politique prend fin en mars 2017, lorsqu’il démissionne en désaccord avec la méthode de gouvernance du chef de l’État. Depuis, il s’est mué en opposant radical, dénonçant régulièrement les “dérives autocratiques” du pouvoir. Azannaï incarne une opposition de conviction, intransigeante, qui séduit une partie de la jeunesse mais rebute par son manque d’ouverture stratégique.
Léon Comlan Ahossi : l’indépendance comme boussole
Député chevronné, Léon Comlan Ahossi est connu pour sa fidélité à une ligne indépendante et sa capacité à briser les consensus politiques artificiels. Il refuse les alliances dictées par les intérêts du moment et défend des positions souvent minoritaires mais fermement argumentées. Anticonformiste sans être populiste, il est l’un des rares parlementaires à oser voter contre certaines réformes perçues comme antidémocratiques.
Ahossi défend une vision classique de la démocratie représentative : pluraliste, responsable. Il ne revendique pas un leadership national mais joue un rôle de vigie au sein d’un Parlement souvent dominé par les blocs du pouvoir.
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Célestine Nabéi Zanou : la voix technocratique et féminine de la dissidence
Née en 1960, Célestine Nabéi Zanou est géographe et agro-économiste de formation. Professeure certifiée de géographie dès 1986, elle fait carrière dans l’administration publique avant de s’engager pleinement dans la politique. En 1996, elle devient directrice de cabinet du ministère du Plan, puis en 1998 directrice de cabinet du président Mathieu Kérékou.
Forte d’une solide expérience nationale et internationale, elle dirige de 2003 à 2006 un programme suisse d’appui à la paix en Côte d’Ivoire, puis mène en 2020 une mission de médiation politique ONU-UA-CEDEAO dans le même pays. Elle fonde le parti Dynamique du changement pour un Bénin debout et se porte candidate à la présidentielle de 2016, devenant l’une des rares femmes à briguer la magistrature suprême.
Sa voix, à la fois calme et ferme, critique sans virulence, incarne une dissidence technocratique et féminine. Elle dénonce la confiscation de l’espace politique, les violences institutionnelles et le délitement de l’éthique publique, tout en prônant un renouvellement profond de la culture politique béninoise.
“Arnachistes” ou résistants nécessaires ?
Ces trois figures n’ont pas toujours été alliées, ni même convergentes sur le fond. Mais un trait commun les rassemble : le refus obstiné d’un système qu’ils jugent verrouillé, cynique ou dévoyé. Leurs adversaires les voient comme des marginaux déconnectés des réalités électorales. Pourtant, leur influence morale et intellectuelle sur la société civile est indéniable.
À l’approche des échéances électorales de 2026, ils posent une question brûlante : la démocratie béninoise peut-elle se réinventer sans ces voix toujours dissidentes ?
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