À 86 ans, le vétéran de la vie politique togolaise devient le premier président élu par le Parlement dans le cadre de la nouvelle Constitution. Un choix hautement symbolique dans un système désormais dominé par un exécutif parlementaire dirigé par Faure Gnassingbé.
Une page nouvelle dans l’histoire institutionnelle du Togo
Le Togo a franchi un cap politique majeur ce 3 mai 2025 avec l’entrée en vigueur de la Ve République. Fruit d’une réforme constitutionnelle adoptée un an plus tôt, cette nouvelle République marque l’abandon du régime présidentiel au profit d’un système parlementaire. L’un des signes les plus visibles de cette transition : l’élection du Président de la République par le Parlement réuni en Congrès, et non plus au suffrage universel.
C’est dans ce contexte que Jean-Lucien Kwassi Lanyo Savi de Tové a été élu Président de la République par les députés et les sénateurs, réunis dans le pavillon annexe de l’Assemblée nationale. Son élection, acquise dès le premier tour, scelle l’ouverture d’un nouveau chapitre politique où le chef de l’État joue un rôle avant tout représentatif.
Un Président de la République à la fonction réduite mais symbolique
Selon la Constitution du 6 mai 2024, le Président de la République est désormais le garant de l’unité nationale (article 40). Il accrédite les ambassadeurs, adresse des messages au Parlement (article 41) et tient régulièrement des audiences avec le Président du Conseil pour faire le point sur l’état de la Nation (article 42). Tous ses actes doivent être contresignés par le Président du Conseil, qui concentre l’essentiel des pouvoirs exécutifs (article 43).
Protégé par une immunité judiciaire pendant la durée de son mandat (article 45), le chef de l’État ne peut être tenu politiquement responsable que pour des actes exceptionnellement graves et incompatibles avec ses fonctions (article 44).
LIRE AUSSI : Togo : Jean-Lucien Savi de Tové, le vétéran du dialogue devient président à 86 ans
Un vétéran de la politique, artisan du consensus
Né le 7 mai 1939 à Lomé, dans une famille Éwé ancrée dans la tradition civique, Jean-Lucien Savi de Tové est une figure connue de la haute administration et des cercles politiques togolais. Il effectue ses études supérieures en France, où il obtient une licence en droit à l’Université de Bordeaux, puis un doctorat en sciences politiques à Paris I Panthéon-Sorbonne, avec une spécialisation en relations internationales et administration publique.
À son retour au Togo dans les années 1960, il intègre la haute fonction publique. Il est nommé dès 1967 secrétaire général au ministère des Affaires étrangères, marquant le début d’un long parcours dans les sphères étatiques. Son engagement prend une nouvelle dimension en 1991 lorsqu’il participe activement à la Conférence nationale souveraine, où il milite pour des réformes profondes et la réconciliation nationale.
Fondateur du Parti des Démocrates pour l’Unité (PDU), il contribue à la création de la Convergence Patriotique Panafricaine (CPP) en 1999 aux côtés d’Edem Kodjo, devenant vice-président de cette formation politique. De 2005 à 2007, il occupe le poste de ministre du Commerce, de l’Industrie et de l’Artisanat. À partir de 2009, il préside le Cadre Permanent de Dialogue et de Concertation (CPDC), plateforme officielle de dialogue entre acteurs politiques.
Tout au long de sa carrière, Jean-Lucien Savi de Tové s’est imposé comme un modéré, partisan du compromis et de la stabilité républicaine. Sa stature de sage et sa longévité politique expliquent le consensus qui s’est formé autour de sa candidature.
LIRE AUSSI : Faure encore plus fort : une réforme pour l’éternité ?
Une élection symbolique, un pouvoir toujours concentré
Si son profil rassure et son expérience inspire le respect, son élection soulève aussi des interrogations sur la nature du nouveau régime. L’essentiel du pouvoir reste entre les mains du Président du Conseil, fonction désormais exercée par Faure Essozimna Gnassingbé, président sortant sous l’ancien régime présidentiel. Ce repositionnement, s’il traduit une volonté de réforme, suscite chez certains observateurs des doutes sur la profondeur réelle du changement.
Des voix s’élèvent déjà pour dénoncer un parlementarisme de façade, soulignant que le passage d’un régime à un autre s’est opéré sans alternance politique, ni véritable débat citoyen. La désignation du président par le Congrès, sans consultation populaire, pourrait également alimenter une crise de légitimité à moyen terme.
Une transition à observer avec vigilance
L’accession de Jean-Lucien Savi de Tové à la présidence de la République, bien qu’honorifique, marque une volonté d’ouverture et d’apaisement dans un contexte de mutation institutionnelle. Reste à voir si cette nouvelle architecture produira les effets attendus : un pouvoir plus équilibré, une plus grande transparence, et un renforcement du rôle du Parlement.
Pour les Togolais, l’enjeu dépasse la forme institutionnelle. Il s’agit de savoir si la Cinquième République apportera plus de démocratie, ou si elle se limitera à une redistribution du pouvoir entre les mêmes figures. En attendant, le pays entre dans une période d’observation, avec en haut de l’affiche un président respecté, mais au pouvoir limité.
Suivez-nous sur Nasuba Infos via notre canal WhatsApp. Cliquez ici.
Views: 0